#Covid-19 : #Téléconsultation , la #Crise sanitaire et le #Droit #Numérique
Pauline Vitale, avocate et Claudia Weber, avocate associée, du cabinet IT Law, analysent les récentes évolutions des règles relatives à la téléconsultation à l’occasion de la crise sanitaire actuelle.
Depuis le début de l’épidémie du Covid19, la téléconsultation connaît un essor considérable avec, à titre d’exemple, 486 369 téléconsultations facturées à l’assurance maladie entre le 23 et le 29 mars1.
Pour rappel, la téléconsultation est une consultation entre unprofessionnel médical « téléconsultant » et un patient, par l’intermédiaire des technologies de l’information.
Elle fait partie, avec la télésurveillance, la téléexpertise, la téléassistance et la régulation médicale, des cinq actes de télémédecine2 définis par le code de la santé publique3.
Cadre initial – Depuis 20184, la téléconsultation est prise en charge si :
- le patient a donné son consentement préalablement à la réalisation de l’acte après avoir été informé des conditions de réalisation de la téléconsultation ;
- elle respecte le parcours de soins coordonnés5 ;
- le patient a été orienté initialement par son médecin traitant quand la téléconsultation n’est pas réalisée avec ce dernier, dans les conditions du parcours de soins coordonnés ;
- le patient est connu du médecin téléconsultant, c’est-à-dire a bénéficié au moins d’une consultation avec lui en présentiel dans les douze derniers mois.
A ce titre, le Conseil d’état a refusé le remboursement de tels actes effectués par l’intermédiaire d’une plateforme, lorsque ces derniers ont été réalisés en dehors du parcours de soins prévu6.
Assouplissement du recours à la téléconsultation – Depuis le début de l’épidémie, le gouvernement a aménagé les conditions d’exercice relatives aux téléconsultations et consultations à distance jusqu’au 31 mai 2020 par deux décrets respectivement publiés au journal officiel les 10 mars 2020 et 20 mars 2020.
Comme le souligne la Haute Autorité de Santé, le recours à la téléconsultation permet dans ce contexte particulier :
- « D’assurer une prise en charge à domicile pour les patients présentant les symptômes de l’infection ou reconnus atteints du COVID-19 ;
- De faciliter l’accès aux soins, y compris en cas de besoin de prise en charge aigüe ;
- D’assurer une continuité de prise en charge chez les patients ayant une maladie chronique ; en période de confinement impliquant une limitation des déplacements ;
- De protéger les professionnels de santé de l’infection ainsi que les patients qu’ils prennent en charge »7.
Désormais, les personnes « présentant les symptômes de l’infection ou reconnus atteints du covid-19 »8 peuvent bénéficier de la téléconsultation remboursée par l’assurance-maladie, même si :
- elles n’ont pas de médecin traitant la pratiquant ;
- elles n’ont pas été orientées par leur médecin traitant ;
- le médecin téléconsultant ne les connaît pas préalablement.
Le recours à la téléconsultation a aussi été ouvert, par voie de décret, aux infirmiers9, puis par arrêtés aux orthophonistes10, et sages-femmes11.
Le maintien des garanties – Il convient de souligner que, pour ces nouveaux cas de recours à la téléconsultation, les conditions générales auxquelles sont soumis les actes de téléconsultation demeurent en vigueur, notamment concernant l’information et le recueil du consentement du patient, l’identification des acteurs de l’acte (authentification du médecin et identification du patient) et la réalisation d’un compte rendu de la téléconsultation porté au dossier médical du patient.
De plus, la téléconsultation doit être nécessairement mise en œuvre dans des lieux permettant la confidentialité des échanges, la sécurité des données transmises et dans des conditions permettant de garantir la traçabilité des actes réalisés.
Outils disponibles – Les professionnels de santé sont tenus d’utiliser des outils respectant le règlement général sur la protection des données (RGPD), la réglementation relative à l’hébergement des données de santé (HDS) et la politique générale de sécurité des systèmes d’information en santé (PGS-SIS).
Toutefois, l’arrêté du 19 mars 2020, prévoit que, pour faire face à la crise sanitaire, les professionnels de santé peuvent recourir à « tout autre outil numérique »12.
L’Agence du Numérique en Santé a répertorié les solutions disponibles en télésanté avec, pour chacune, les fonctionnalités proposées et le niveau de sécurité garanti. Il est cependant à noter que cette liste a été établie à partir d’une auto-déclaration des éditeurs de solutions.
Evaluation des symptômes – On peut également souligner l’existence du site www.maladiecoronavirus.fr, co-développé par l’Institut Pasteur et les Hôpitaux de Paris (APHP), qui permet d’orienter les personnes pensant avoir été exposées au Covid19. Un test de 23 questions – réponses permet ainsi d’informer et de fluidifier les services d’urgence.
A l’issue de l’épidémie de Covid-19, les acteurs de la santé numérique seront invités à contribuer à l’élaboration d’un modèle de recensement dans l’Espace Numérique en Santé (ENS) afin d’avancer davantage dans la transition numérique dans le domaine de la santé.
L’évolution des outils numériques de télémédecine s’est accélérée, à suivre…
Pauline Vitale, avocate et Claudia Weber, avocate associée, du cabinet IT Law.
[1] Face au coronavirus, le boom des téléconsultations, le Point, 02/04/2020 : https://www.lepoint.fr/sante/face-au-coronavirus-le-boom-des-teleconsultations-02-04-2020-2369810_40.php
[2] L’article L6316-1 du code de la santé publique définit la télémédecine comme « une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication ».
[3] Article R6316-1 du code de la santé publique
[4] Arrêté du 1er août 2018 portant approbation de l’avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016
[5] Les exceptions au parcours de soins sont les suivantes : (i)le patient est âgé de moins de 16 ans (i), la consultation en accès direct est possible pour certaines spécialités (ii), le patient n’a pas de médecin traitant désigné (iii) ou ce dernier n’est pas disponible dans un délai compatible avec l’état de santé du patient (iv). Arrêté du 1er août 2018 portant approbation de l’avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 août 2016 – Article 28.6.1. La téléconsultation
[6] CE, Juge des référés 29-05-2019
[7] Haute Autorité de Santé, Réponses rapides dans le cadre du COVID-19 -Téléconsultation et télésoin, 2 avril 2020 :https://www.has-sante.fr/jcms/p_3168867/fr/reponses-rapides-dans-le-cadre-du-covid-19-teleconsultation-et-telesoin
[8] Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces d’assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au covid-19
[9] Décret n° 2020-277 du 19 mars 2020 modifiant le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus
[10] Arrêté du 25 mars 2020 complétant l’arrêt du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041755801
[11] Arrêté du 31 mars 2020 complétant l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041774063
[12] Arrêté du 19 mars 2020 complétant l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041737443&dateTexte&categorieLien=id