#Covid_19 : le #Tracking #Numérique et les #Droits #Humains
COVID-19 ET SURVEILLANCE NUMÉRIQUE : ET NOS DROITS HUMAINS ?
Plusieurs gouvernements développent ou envisagent de développer la surveillance numérique pour endiguer l’épidémie de Covid-19. Ces pratiques doivent répondre à des critères stricts : la pandémie de COVID-19 ne saurait servir d’excuse pour vider de sa substance le droit à la vie privée.
Avec la pandémie de COVID-19, le monde est actuellement confronté à une crise sanitaire planétaire sans précédent. Au nom de la lutte contre cette maladie, certains gouvernements s’empressent de développer leur utilisation des technologies de surveillance afin de suivre des personnes, voire des populations entières. Si elles ne sont ni suivies, ni contrôlées, ces mesures risquent de changer profondément l’avenir du droit à la vie privée et d’autres droits humains.
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LA SURVEILLANCE NE PEUT ÊTRE QUE LIMITÉE ET TRANSPARENTE
Les gouvernements ont l’obligation de garantir le droit à la santé et de prévenir, traiter et maîtriser les épidémies. Ils peuvent donc restreindre temporairement certains droits humains afin de répondre rapidement et de manière coordonnée à des situations d’urgence sanitaire. Mais ces restrictions doivent respecter des critères très stricts.
Les gouvernements doivent pouvoir démontrer :
Que les mesures mises en place entrent dans le cadre de la loi
Qu’elles sont nécessaires, proportionnées et temporaires
Que leur mise en place se fait dans la transparence et avec un suivi adapté.
En pratique, cela signifie que les mesures de surveillance mises en place doivent correspondre aux mesures les moins intrusives pour atteindre l’objectif recherché. Nous traversons une période inédite, mais la législation relative aux droits humains continue de s’appliquer.
TOUR DU MONDE DES EXPÉRIMENTATIONS
Dans le cadre de la lutte contre le COVID-19, plusieurs pays exploitent les données des téléphones portables pour suivre les déplacements individuels en collectant des données de localisations anonymisées ou agrégées pour pister les contacts des personnes atteintes par ce coronavirus.
D’autres utilisent des données tirées des téléphones portables, mais sans les protections de l’anonymisation ou de l’agrégation des données. Par exemple, selon les médias, le gouvernement équatorien aurait autorisé le suivi GPS à des fins d’application des mesures de confinement.
En Corée du Sud, les autorités envoient des conseils sanitaires par SMS, accompagnés d’informations personnelles liées aux patients atteints par le COVID-19 et de liens qui mènent vers des données détaillées sur leurs déplacements. Cette mesure est alarmante, car elle constitue une violation du secret médical et renforce la stigmatisation des personnes infectées. Elle ne semble pas remplir les conditions nécessaires pour que la surveillance soit qualifiée de « légale », et elle constitue une violation du droit à la vie privée.
En Chine, Alibaba a sorti une fonctionnalité de suivi médical qui exploite des données relatives à la santé individuelle et assigne un statut sanitaire à chaque personne par le biais d’un code couleur. S’il est vert, la personne est « saine » ; s’il est jaune, elle doit être confinée pendant sept jours, et pendant 14 jours s’il est rouge. Ce système est utilisé pour autoriser ou refuser l’accès aux espaces publics. L’application partage ses données avec les autorités chargées de l’application des lois, ce qui est très préoccupant.
En Pologne, le gouvernement a lancé une application pour faire respecter les mesures de confinement. Selon nos informations, elle enverrait des demandes de selfies qui seraient ensuite vérifiés par reconnaissance faciale et par exploitation des données de localisation.
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LES RISQUES À ENCADRER
Les mesures de surveillance numérique soulèvent des questions importantes sur les méthodes de collecte, d’utilisation et de partage de nos données personnelles. Le risque ? Une fois que ces dernières sont recueillies, elles risquent d’être partagées et utilisées à des fins autres que le suivi médical. Les États doivent veiller à ce que la collecte, la rétention et l’agrégation des données personnelles servent uniquement les objectifs de lutte contre le COVID-19, sur une durée limitée correspondant à la pandémie, et sans pouvoir être utilisées à d’autres fins. Ils doivent faire tout leur possible pour protéger ces données, et démontrer comment leur anonymat est préservé.
Cette collecte des données ne doit pas se faire dans l’opacité. Chacun doit avoir la possibilité de connaitre et de contester les mesures prises en lien avec le COVID-19 pour recueillir et utiliser des données. Le renforcement de la surveillance dans le cadre de la pandémie de COVID-19 ne doit pas relever des services de sécurité ou de renseignement et doit faire l’objet d’une surveillance efficace menée par des organismes indépendants.
En outre, l’intelligence artificielle pourrait augmenter le risque de discrimination envers des populations déjà marginalisées. Nombre des technologies actuellement déployées recourent à des algorithmes opaques qui s’appuient sur des données biaisées, et les utiliser pour prendre des décisions renforce les discriminations contre certaines populations. Les gouvernements doivent prendre en compte ces risques de discrimination, et y répondre.
Par ailleurs, de nombreux gouvernements se tournent vers des entreprises privées pour mettre en place ces outils de surveillance, y compris des entreprises de surveillance ayant un historique de violations des droits humains très préoccupant.
Par exemple, l’entreprise de surveillance israélienne NSO Group propose désormais à la vente un outil d’analyse de mégadonnées qui affirme suivre la propagation de la maladie en reportant les déplacements des personnes sur une carte. Or NSO a déjà vendu des données à des gouvernements répressifs par le passé. Il est primordial que les entreprises qui participent à la lutte contre le COVID-19 identifient, préviennent, réduisent et publient les risques en matière de droits humains liés à leurs activités, produits et services dans ce contexte de pandémie.
Tout accord de partage des données entre le gouvernement et des entreprises privées doit être connu et les informations nécessaires à l’évaluation de leur impact sur la vie privée et les droits humains doivent être rendus publics, en précisant une clause d’extinction, une supervision publique et d’autres garanties par défaut.
UNE MENACE : LA PÉRENNISATION DE LA SURVEILLANCE
Il existe un réel danger que des mesures de surveillance se transforment en instruments permanents. À la suite des attentats du 11 septembre 2001, les moyens de surveillance à disposition des gouvernements se sont grandement accrus. A la suite de l’état d’urgence en France, plusieurs mesures dérogatoires ont fini par être intégrées dans le droit commun. Une fois que ces compétences et ces infrastructures sont en place, les gouvernements ont rarement la volonté politique suffisante pour les supprimer.
Nous luttons ensemble contre cette crise sans précédent, et il est important que nous ayons une vision sur le long terme des mesures que nous prenons pour combattre ce virus. Elles risquent de rester en place après la fin de la crise, et de définir les modèles de surveillance dans un monde post-coronavirus. Il est important que l’universalité des droits humains reste au cœur de cette vision de l’avenir.
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SOURCE : AMNESTY INTERNATIONAL
https://www.amnesty.fr/actualites/covid-19-et-surveillance-numerique–et-nos-droits