Appel des 100 de l’#InstitutSanté – « Santé : dans 5 ans il sera trop tard ! »
Tribune publiée dans Le Monde le 9 novembre 2022
« Le pire n’est pas toujours sûr » écrivait Paul Claudel. Concernant l’avenir de notre système de santé, sans excès de pessimisme, le principe de réalité impose de reconnaître que ce magnifique système de soins conçu au milieu du XXème siècle se dégrade à une vitesse sans cesse plus rapide. Force aussi est de constater que les mesures sectorielles prises à répétition sont de plus en plus coûteuses et de moins en moins efficaces pour ralentir la désintégration du système.
Notre modèle conçu avant les grandes transitions démographiques, épidémiologiques et technologiques à l’aube de notre siècle, est inadapté à son environnement et craque de toutes parts, malgré la qualité exceptionnelle de ses ressources. Ce grand gâchis ne sera stoppé qu’à travers une réforme systémique, qui peut générer un rebond rapide et massif. Elle est prête dans son contenu, elle est possible politiquement et elle est urgente pour réussir.
Les 3 piliers de la reconstruction
Le premier bloc de réforme consiste à mettre en place un service public territorial de santé à partir de 450 bassins de vie sanitaires. Chaque professionnel de santé exercera dans un territoire de santé dont il assurera auprès de la population des missions de soins et de santé publique. Ces missions seront assurées dans le cadre des 3 grands principes du service public (continuité, égalité, mutabilité) et délivrées par l’ensemble des acteurs de santé du territoire, publics et privés, selon une approche populationnelle et préventive.
Ce service public territorial de santé induit une reconstruction de l’hôpital public à partir de son ancrage territorial et de son rôle de fer de lance de l’excellence de la médecine française. Le temps plein hospitalier ne sera plus obligatoire et le statut PU-PH sera rénové. Le virage ambulatoire sera abouti en ville avec des professionnels pleinement garants des missions territoriales de santé et une amplification de l’universitarisation de la médecine ambulatoire et des autres professionnels de santé.
Le deuxième bloc de réforme concerne la gouvernance de la santé. Une loi d’orientation et de programmation sanitaire à 5 ans et une réorganisation institutionnelle de l’Etat sanitaire avec la fusion de multiples agences dans une agence nationale de santé publique renforceront l’Etat dans son rôle de stratège. Par délégation de Service Public, l’Etat confiera la gouvernance globale des soins à la sécurité sociale (branche santé).
Cette dernière (renommée Assurance Santé Obligatoire) sera restructurée dans sa gouvernance pour faire vivre une démocratie sociale et sanitaire active, intégrant l’ensemble des acteurs de santé, aux échelons nationaux, régionaux et locaux.
La gouvernance des territoires de santé sera portée par un groupement territorial de santé conçu comme « une gouvernance de l’usager, pour les usagers, par les usagers », destinée à répondre à l’ensemble de leurs besoins de santé.
Le troisième bloc vise l’évolution du financement des dépenses de santé avec un assureur unique par prestation qui supportera ce nouveau modèle de santé solidaire inclusif. La sécurité sociale sera le financeur exclusif de la plupart des prestations, à l’exception de certains paniers de soins remboursés par une assurance privée supplémentaire, selon un modèle mutualiste à affiliation individuelle. Cette réforme rendra le nouveau financement lisible, efficace et juste. Il engendrera 20 Milliards d’euros d’économies à réinvestir en santé.
Une réforme systémique à portée de mains
Malgré la gravité de la crise traversée par notre système de santé, les travaux menés par l’Institut Santé sur le contenu de la réforme systémique montrent bien qu’il s’agit d’une évolution significative du modèle actuel mais pas d’une révolution.
Les fondamentaux républicains et l’esprit fondateur du modèle universel solidaire porté par Laroque, Croizat et Debré au siècle dernier sont revisités mais renforcés. Ils sont appliqués sur tous les déterminants de santé et pas uniquement sur le soin.
Il en résulte la création d’un consensus large autour des trois blocs de réforme aussi bien auprès des professionnels de santé, des usagers que des partis politiques.
La présentation de ce programme à tous ces publics a montré cette convergence de vue.
Il reste à définir une méthode politique adaptée au contexte actuel pour réussir cette réforme systématique.
Dans 5 ans, il sera trop tard
Dans 5 ans, notre système de soins ne sera toujours pas un système de santé et son caractère universel et solidaire sera une fiction pour des millions de Français.
Dans 5 ans, l’hôpital public se sera tant vidé de ses ressources humaines essentielles qu’il ne sera plus capable d’assurer son rôle de service public, encore moins de fer de lance de l’excellence médicale française. L’Etat le fera survivre tant bien que mal pour garantir à la classe populaire un accès aux soins.
Dans 5 ans, le secteur privé aura pris un essor multiforme dominé par une financiarisation sans limite de quelques grands groupes et d’affairistes multiples qui auront poussé au maximum la marchandisation de la santé en France. Un marché largement dérégulé assurera l’accès à la bonne qualité au prix fort pour les plus aisés et à la mauvaise qualité à prix accessible pour la classe moyenne.
Dans 5 ans il sera trop tard pour redresser notre recherche médicale et nos industries de santé qui seront reléguées au niveau des pays émergents.
Dans 5 ans il sera trop tard pour reconstruire un véritable système de santé digne du rang de la France et des attentes des Français. En une génération, nous aurons collectivement été impuissants à faire vivre ce qu’une génération de visionnaires a conçu au milieu du siècle passé.
Selon Descartes dans son discours de la méthode, « le bon sens est la chose la mieux partagée au monde … et est naturellement égal entre tous les Hommes ». Il est temps collectivement d’appliquer ce bon sens à une grande cause !
Signataires
Saïdi Abdelkader, Chirurgien, Expert en Gestion de Crise, Nouvelle-Calédonie
Françoise Alliot-Launois, Présidente de l’association de patients AFLAR
Séverine Alran, Chef de service de Gynécologie et Sénologie
Thierry Amouroux, Porte-parole Syndicat Infirmier SNPI CFE-CGC
Alain Amzalag, Chirurgien-dentiste
Catherine Audard, Philosophe, London School of Economics, spécialiste des questions de justice sociale
Jean-Marc Ayoubi, Chef de service de gynécologie-Obstétrique hôpital Foch, Professeur à la faculté de médecine de l’UVSQ
Giancarlo Baillet, Directeur chez Centre de gériatrie Beauséjour
Alexis Bataille : Infirmier Chargé d’affaire Publique
Salomon Benchetrit, Chirurgien viscéral, Lyon
Evelyne Bersier, Docteur en droit de la santé, Membre de la chaire Education santé de l’UNESCO
Guillaume Bezie, Co fondateur Entends moi
Frédéric Bizard, Professeur d’économie, affilié à ESCP, Président de l’Institut Santé
Dominique Blanc, Président de Ostéopathes de France
Jean-Pierre Blum, Médecin, PhD, Chargé de Mission Santé Publique
UNESCO Bioethics Unit
Olivier Bonnet, Kinésithérapeute Ostéopathe
Gilles Bonnefond, Pharmacien, Ex président USPO
Pascal Brandys, Président Directeur Général de Phylex Biosciences
Pierre-Henri Bréchat, Médecin spécialiste en Santé Publique et en Médecine Sociale
Thierry Boudemaghe, Chef de service Information médicale, CHU Nîmes
Marie-Hélène Brun, Directrice de l’agence de communication BcomBrun
Eric Campion, Chirurgien-dentiste, Toulon
Patrick Carlioz, Chirurgien pédiatre, Lyon
Nicolas Carrie, Directeur Régional de Cliniques Privées
Didier Castiel, Economiste de la santé, Université Sorbonne Paris-Nord
Georges Chambon, IDEL Secrétaire général adjoint URPS Infirmier AURA
Annabelle Champagne, Pharmacienne, Dirigeante Wi Pharma
Jan-Marc Charrel, Patient Partenaire Président association de Patient France Rein
Eric Cheysson, Chirurgien vasculaire, Président de la Chaine de l’Espoir
Laurent Chneiweiss, médecin Psychiatre, Paris
Nicolas Chopin, Chirurgien Oncologue
Dominique Combarnous, Présidente de l’association national des cadres de santé
Alain Coulomb, ancien directeur de la Haute Autorité de santé
Philippe Cuq, Chirurgien vasculaire, Co-Président de Avenir Spé- Le Bloc
Azita Daghestani, responsable développement activité de santé sur Aura
Géraldine Dall’Aglio Brambilla, Patiente experte, Membre du Département Universitaire des Patients Grenoble Alpes (DUPGA)
Jean-François Damour, Médecin angiologue, Ermont
Arnaud Danse, Directeur d’Ophtalmo.TV
Alain Deloche, Professeur de chirurgie, co-fondateur de « Médecins du monde », fondateur de l’association « La Chaîne de l’espoir »
Florence de Rohan-Chabot, Psychiatre, Praticien Hospitalier, Mulhouse
Laurie Doppler, Co fondatrice Buldforcare
Sophie Dugelay, Présidente du Club Agora des Directeurs CX Lyon
Nathalie Dumas, Patiente Experte Relation Usager, Représentante des usagers au CHUGA
Bernard Ennuyer, Sociologue, enseignant chercheur, spécialiste du vieillissement et handicap
Benoît Feger, Médecin ORL
Sylvie Filley-Bernard, Médecin Anesthésiste libérale
René Frydman, Gynécologue-Obstétricien, Professeur des Universités
Christelle Galvez, Directrice des soins, Centre Léon Bérard à Lyon
Patrick Gasser, médecin gastro-entérologue, Co-Président Avenir Spé Le Bloc
Emmanuel Goddat, Directeur d’hôpital et entrepreneur en numérique
Benoit Godiart, Enseignant agrégé en sciences médico-sociales, Université Savoie Mont-Blanc
Olivier Goeau-Brissonnière, Chef de service, APHP, Président des Fédérations des spécialités médicales
Michel Guilbaud, Associé fondateur de BG Group
Cedric Guillaumon, Directeur des SOINS CLCC Montpellier
David Gruson, Directeur Programme Sante Jouve, Fondateur ETHIK-IA
Jean-Paul Hamon, Médecin généraliste, Président d’honneur du syndicat FMF
Jean-Luc Harousseau, Professeur d’Hématologie clinique, Ancien Président de la Haute Autorité de Santé
Richard Hasselmann, Président de Libr’acteurs, Administrateur de l’Institut Santé
Michel Hasselmann, Professeur honoraire de réanimation – Université de Strasbourg
Laurent Hirsch, Chirurgien-Dentiste
Catherine Imbert, Directrice des Soins Hôpital privé Mermoz à Lyon
Fadi Jamal, Médecin cardiologue, Président Cardio Parc
Hubert Johanet, Chirurgien, Secrétaire Général de l’Académie Nationale de Chirurgie
Michel Joly, Directeur Général Gilead France
Nathalie Kerjean-Pons, Pharmacien Hospitalier, chef de service AP-HP ; Administratrice de l’Institut Santé
Gérald Kierzek, Médecin Urgentiste, APHP
Vincent Lacombe, Président de la clinique St Exupéry, Toulouse
Vincent Lafay, Vice-président des ostéopathes de France
Stéphanie Laguigné, Directrice générale de la Fondation Meredith Santé
Laurent Lantiéri, Chef de service de Chirurgie, APHP, Professeur à l’Université Paris Descartes
Eric Laspougeas, Ex Directeur Général délégué, Vivalto
Eric Lenfant, Chirurgien-dentiste, Lyon, Président de l’URPS-ARA-CD
Guillaume Levavasseur, Consultant en Santé, Innovation & Communication digitale
Philippe Liverneaux, Chirurgien orthopédique, Chef de Pôle, CHRU Strasbourg
Bernard Llagonne, Chirurgien Orthopédiste, Epernay
Marina Lovka, Consultante experte en optique ophtalmique
Philippe Marre, Chirurgien, Ancien Président de l’Académie Nationale de Chirurgie
Jean-Philippe Masson, Radiologue, Président de la Fédération Nationale des médecins radiologues
Elodie Martin, Patiente experte
Jérôme Marty, Médecin généraliste, Président du syndicat Union Française pour une médecine libre
Olivier Mercier, Dirigeant d’entreprise
Raymond Merle, Patient expert, Directeur du Département Universitaire des Patients
Pierre Mouton, Chirurgien orthopédiste, Pessac
Arnold Munnich, Pédiatre généticien, Professeur des Universités
Nada Nadif, Consultante en management de la santé
Patrick Négaret, Ancien Directeur général de la CPAM des Yvelines
Didier Panchot, Chirurgien-dentiste, Palaiseau
Patricia Paterlini-Bréchot, Professeure de biologie cellulaire et d’oncologie à la faculté de médecine Necker-Enfants Malades
Patrick Pelloux, Médecin urgentiste, Président de l’Association des médecins urgentistes de France
Christophe Pison, Pneumologue, Professeur des Universités, CHU Grenoble
Maxence Pithon, Médecin généraliste, Langeac, Ancien Président de l’Isnar-Img
Christelle Polsinelli Moreau, Vice-Présidente du CCAS d’HEYRIEUX
Christophe Prudhomme, médecin urgentiste, Porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France
Marie-José Renaudie, Gynécologue, Présidente du syndicat des gynécologues médicaux
Philippe Rey, Infirmier, Président URPS IDEL AURA
Michael Riahi, Médecin Généraliste, MSP Villaumed, SG CPTS Paris 19
Daniel Rosenweg, auteur et ancien grand reporter spécialiste de l’économie de la santé
Alexandre Sage, Chirurgien-dentiste, Président de Solident
Olivier Saint-Lary, Médecin généraliste, Professeur des Universités, Président du Collège National des Généralistes enseignants (CNGE)
Philippe Sansonetti, Professeur au Collège de France, Chercheur à l’Institut Pasteur et à l’INSERM
Bernard Schmitt, médecin, ancien cadre dirigeant de la CNAMTS
Jean Sibilia, Professeur des Universités, Ancien Président de la conférence des doyens des facultés de médecine
Ghislaine Sicre, Infirmière, Présidente de Convergence infirmière
Karem Slim, Chirurgien, CHU Clermont-Ferrand, Président de GRACE
Daniel Solaret, Conseil et expertise en système d’informations santé, Ancien membre du conseil de Direction CRAM IDF
Jean-Pierre Thonier, Expert Santé au travail
Jean-Louis Touraine, Professeur émérite de médecine, Député Honoraire
Franck Touche, Patient et président de l’ADASIR
Michel Tsimaratos, Professeur de médecine
Philippe Vermesch, Médecin stomatologue, Président du Syndicat des médecins libéraux
Michel Vermorel, médecin conseil retraité ancien directeur adjoint HGA ARS RA
Benoit Vignes, Chirurgien urologue, Président de la CMG du GHT78sud, Ancien Président du Syndicat National des chirurgiens urologues français
Jérôme Villeminot, Chirurgien Orthopédiste
Jérôme Vincent, journaliste et médecin
Francis Weill, Président du Conseil d’administration de l’Hôpital Suisse de Paris
Frank Zanibellato, Directeur filière sanitaire établissement mutualiste
Serge Zaluski, Médecin Ophtalmologiste, Perpignan, Cofondateur d’Alaxione