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renoncement aux soins recours aux soins

Revenez vous faire #soigner !

Avec l’épidémie de Covid-19, les patients ont déserté les cabinets médicaux, au grand dam des praticiens.
Marketing en ligne / Unsplash, CC BY

Nicolas Authier, Université Clermont Auvergne

Pendant le confinement lié au Covid-19, 31 % des Français ont renoncé à se rendre chez un médecin ou dans un établissement de santé, alors même que selon un sondage ViaVoice, ils en auraient eu besoin. Et à l’annonce du déconfinement, 36 % d’entre aux craignaient toujours de retourner voir leur médecin ou d’aller consulter à l’hôpital. Cela ne peut durer…

L’accès aux soins autres que ceux liés au Covid-19 a été fortement impacté depuis le mois de mars. Les ventes de médicaments sur ordonnance ont baissé de 25 à 30 %. Et lors du premier mois de la crise sanitaire, jusqu’à 90 % des consultations ont été annulées pour certains spécialistes. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, s’en est alarmé le 19 avril, évoquant un possible « dommage collatéral » de l’épidémie, et enjoignant les Français à se faire soigner, au besoin par téléconsultation.

Toutes les filières de soins concernées

Le 28 avril, les hôpitaux parisiens de l’AP-HP sommaient les patients de ne pas renoncer aux urgences médicales et aux soins courants pendant l’épidémie de Covid-19. En effet, plus d’un mois après le début du confinement, les passages aux urgences avaient été divisés par deux dans leurs services.

Cette baisse pouvait certes s’expliquer comme le note l’AP-HP par « des changements de mode de vie (baisse de la traumatologie, limitation de nos déplacements), du fait du confinement, ou de la fermeture des écoles, et par le départ d’Ile-de-France de certains habitants ». Mais le constat n’en était pas moins inquiétant. Et de son côté, préoccupée par la baisse du taux de vaccinations, la Haute Autorité de Santé rappelait dès le 3 avril qu’il était primordial de maintenir l’ensemble des vaccinations des nourrissons).

Les professionnels de la santé mentale, eux, ont fait part dans une tribune de leurs inquiétudes quant aux conséquences du confinement pour leurs patients. Fermeture des hôpitaux de jour, arrêt des visites à domicile, isolement majoré par le confinement, consultations à distance par toujours possibles, rupture de traitement, gestion des attestations, climat global très anxiogène… Tout ceci a fini par déstabiliser certains patients voire induire des décompensations anxieuses de personnes jamais suivies.




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Dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, face à une diminution de 50 à 80 % du nombre de consultations selon les spécialités, médecins hospitaliers et libéraux ont réalisé une campagne de sensibilisation intitulée « Confinés sauf pour votre santé ! ». Et en région parisienne, à l’hôpital Robert-Debré, les soignants font leur possible pour rassurer les parents et les inciter à « revenir aux urgences » pédiatriques avec leurs enfants, pour éviter toute aggravation en cas de pathologie.

De fait, certains médecins redoutent de voir augmenter le nombre de décès de maladies autres que la Covid-19 qui, faute d’avoir consulté, n’auraient été ni diagnostiquées ni traitées. Cela concerne notamment les cancers, dont le diagnostic a diminué depuis le début du confinement : on sait en outre que certains patients ont repoussé leurs cures de chimiothérapie (avez-vous une référence). Mais cela vise aussi des maladies cardiovasculaires, avec des séquelles potentiellement irréversibles pour le cœur ou le cerveau.




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Entre craintes et injonctions contradictoires

L’importante mobilisation des établissements de santé et des médecins libéraux pour l’accueil et l’accès au soins des patients suspects d’infection par le SARS-CoV-2 a en partie désorganisé les autres filières de soins, dont les consultations ou les places d’hospitalisation ont fermé. Certains des professionnels de santé de ces services ont été réaffectés dans des unités nécessitant un renfort humain : il ne fut donc plus possible d’assurer la continuité des soins pour des patients souffrant de maladies chroniques.

Par ailleurs, les messages des autorités sanitaires ont pu donner lieu à des mauvaises interprétations, nombre de Français comprenant alors qu’il valait mieux rester chez eux que d’aller consulter, pour protéger les soignants et ne pas surcharger le système de santé. Et à ce phénomène, s’est ajoutée une appréhension légitime, au regard du traitement médiatique de cette épidémie, à se rendre dans un cabinet médical ou un hôpital potentiellement fréquenté par des patients infectés. Y compris dans des territoires, majoritaires, où l’épidémie est restée très limitée.

La téléconsultation, bien que s’étant considérablement développée pendant le confinement, n’a probablement pas été accessible à tous les patients. Elle ne peut d’ailleurs pas totalement remplacer la vraie consultation et l’examen clinique, notamment lors d’une première demande de soin. Enfin, au vu de la baisse des ventes de médicaments délivrés sur ordonnance, il semble que les pharmaciens n’aient pas eu la possibilité de renouveler, voire d’adapter le traitement au long cours de tous les patients – certains ayant dû l’interrompre.

In fine, des Français ont donc vu leur maladie s’aggraver pendant le confinement, quand d’autres ont reporté le diagnostic (par consultation, suivi biologique, radiologique, etc.) de maladies potentiellement graves.




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Revenir consulter seul avec un masque mais sans gants

Comme l’indique le sondage ViaVoice sur la perception de cette crise sanitaire, quatre grandes mesures permettraient de pousser les Français à aller voir leur médecin. D’abord, le respect des gestes barrières et des règles de distanciation physique pour les admissions et consultations (par exemple, dans la salle d’attente). Ensuite, la présence de masques et de gel hydroalcoolique à disposition de tous (patients et personnel

soignant), mais aussi des garanties d’hygiène et de désinfection des locaux et matériels. Enfin, des circuits différenciés d’attente et de soins entre les patients potentiellement atteints de la Covid-19 et les autres.

Ces attentes sont en adéquation avec ce que les établissements de soins et les professionnels de santé libéraux proposent pour accueillir tous les patients sans risques. Ainsi, les hôpitaux reprennent progressivement les activités de chirurgie en conservant le modèle de la chambre individuelle. Et les consignes pour les consultations sont de venir seul, avec un masque et sans gants. Les mesures de distanciation ont été mises en place dans les salles d’attente, et du gel hydro-alcoolique est systématiquement proposé à l’arrivée des patients. Enfin, la filière différenciée d’accès au soin pour suspicion de Covid-19 reste en place.

Rappelons-le. La continuité de prise en charge des situations urgentes hors Covid-19, mais aussi le suivi spécialisé des maladies chroniques à l’hôpital, en structures médico-sociales et en médecine libérale doivent être totalement rétablis pour ne pas venir aggraver le bilan humain de cette crise sanitaire. Et en cas d’urgence, il est toujours préférable d’appeler le 15 avant de se déplacer pour une prise en charge adaptée à votre problème de santé.The Conversation

Nicolas Authier, Médecin psychiatre et pharmacologue, Professeur de médecine, Inserm 1107, Fondation Analgesia, CHU Clermont-Ferrand, Université Clermont Auvergne

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.