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Santé Connectée

#What’s Up Doc : Guy Vallancien prédit la médecine sans médecins

9 fois sur 10, l’ordinateur va faire le diagnostic et choisir la thérapie
What’s up doc | numéro 23 | décembre 2015 | Enquêtes

Au printemps dernier, le Pr Guy Vallancien publiait un livre* dont le titre a de quoi faire réfléchir, voire de faire frémir : « La médecine sans médecin ? ». Le célèbre chirurgien y analyse les évolutions futures de la médecine, et notamment celles qui sont liées à la révolution de la « e-santé ». Entretien.

What’s Up Doc : Qu’est-ce que la « médiamédecine », concept qui se trouve au cœur de votre ouvrage ?

Pr Guy Vallancien : La média-médecine, c’est simplement le prolongement du stéthoscope de Laennec. Quand un beau jour de 1816, ce jeune médecin breton a voulu ausculter une accorte jeune femme, il a pris deux feuilles de papier, les a roulées, et il a mieux entendu. Depuis lors, il y a une médiation entre le corps du malade et le médecin. Aujourd’hui, la manifestation la plus frappante de la média-médecine me semble être la robotique.

WUD : Les objets connectés, les systèmes-experts, les algorithmes en font évidemment également partie. Le médecin ne risque-t-il pas de disparaître derrière tous ces instruments ?

 

Michelangelo's iconic image of God giving life to Adam is reimagined for the robotic age. Here, God gives life to a robot, a new kind of futuristic Adam.

 

GV : La médecine s’apprête à vivre des mutations colossales, qui toucheront tous les pans de l’activité humaine. L’ordinateur va faire le diagnostic et choisir la thérapie 9 fois sur 10. Mais contrairement à ce que l’on peut croire, les technologies de l’information, au lieu de stériliser la relation humaine, vont l’augmenter. Le médecin va voir son rôle changer, dans la mesure où il va devoir transgresser les règles établies. Dans 10 à 15 % des cas, les patients ne correspondent pas aux cas prévus. Ce sont ces personnes qui ne rentrent pas dans le moule dont le médecin aura la charge. C’est le plus beau des rôles : la relation humaine. Le reste, ce sont les machines ou des personnels de niveau master comme les infirmières praticiennes qui pourront le faire.

WUD : Mais dans les 85 à 90 % de cas restants, le médecin pourra-t-il réellement se passer du contact physique avec le patient ?

GV : C’est déjà le cas pour beaucoup de maladies, qui sont muettes : aujourd’hui, c’est la mammographie qui permet de détecter le cancer du sein, et pas la boule que l’on sent à l’examen clinique. C’est une tendance qui va se poursuivre : on saura de plus en plus détecter les maladies avant qu’elles ne parlent. La clinique est donc en train de lentement disparaître. Mais cela ne signifie pas la fin du contact avec le patient. L’interrogatoire long reste essentiel. Il faudra toujours entendre le malade, le laisser parler pour exprimer sa maladie.

 

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WUD : Face à de tels bouleversements, ne craignezvous pas l’avènement d’une ère transhumaniste, où l’homme ne sera plus réellement lui-même ?

GV : À partir du moment où on est capable de réparer les hommes, on va vers l’augmentation des capacités humaines. Je ne suis pas un défenseur du transhumanisme, mais nous allons vers des rétines qui peuvent voir les infrarouges, des oreilles qui peuvent entendre les ultrasons, des exosquelettes qui peuvent porter des charges considérables. Qu’est ce qui va persister ? L’esprit. Mais attention, cela n’est pas sans soulever des questions. Si la machine se met à rattraper le cerveau, elle pourrait réellement nous dominer. Et ce n’est pas de la science-fiction. Il s’agit d’un thème essentiel pour l’humanité, auquel les politiques ne s’intéressent pas assez aujourd’hui.

*Guy Vallancien, « La médecine sans médecins ? Le numérique au service du malade », aux éditions Gallimard

Note  de la rédaction : Merci  à notre ami le Pr Guy VALLANCIEN pour son engagement dans l’aventure des #ConnectedDoctors

What’s up doc | numéro 23 | décembre 2015 | Enquêtes