#Quand l’#Afrique s’empare de l’impression #3D
(Agence Ecofin) – Pour la première fois au monde, en juin dernier, une école a été imprimée en 3D au Malawi, un pays en manque « cruel » de salles de classe. En à peine 18h, l’entreprise danoise COBOD s’est servi de son imprimante 3D BOD2 pour construire sur un système de portique modulaire, cette infrastructure mesurant 56 m2. Si cette réalisation a suscité de l’émerveillement de par le monde, elle montre aussi que la fabrication additive gagne du terrain en Afrique. Depuis ses premiers pas, il y a quelques années, le continent a fait bien du chemin, et le futur ne peut qu’être reluisant.
Un marché en pleine croissance
L’impression 3D (ou fabrication additive) est une méthode de production consistant à créer des objets en trois dimensions en empilant des couches de matière à partir d’un modèle numérique. Si le procédé parait encore aujourd’hui relativement nouveau, il faut noter qu’il remonte aux années 80.
Depuis les premières fois où cette technologie a été utilisée par le pionnier Charles Hull et son entreprise 3D Systems, elle a beaucoup évolué et les objets imprimés en 3D sont de plus en plus grands. De nos jours, elle est commercialisée à grande échelle et utilisée dans plusieurs secteurs, en l’occurrence la santé, l’aviation, l’architecture, l’agriculture, le design, l’alimentation, etc.
Preuve de l’essor du marché de la fabrication additive, sa taille est passée d’un peu plus de 3 milliards de dollars en 2014 à 9,11 milliards en 2019 (selon Reports and Data), et à 12 milliards de dollars en 2020 (selon Lux Research). Les perspectives laissent penser que le marché ne va cesser de grandir. Dans son rapport publié début août et intitulé « Will 3D Printing Replace Conventional Manufacturing ? », Lux Research, une firme américaine de recherche sur la technologie, indique que le marché va croître à un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 15 % pour atteindre 51 milliards de dollars en 2030. Selon elle, cette croissance sera portée par les industries médicales et dentaires, mais également l’aérospatial.
« L’impression 3D sera une clé dans le futur paysage manufacturier grâce aux avantages qu’elle peut apporter par rapport au moulage par injection, à l’usinage, au moulage ou à d’autres méthodes conventionnelles », a commenté Anthony Schiavo, directeur de recherche, et l’un des principaux auteurs du rapport.
« L’impression 3D sera une clé dans le futur paysage manufacturier grâce aux avantages qu’elle peut apporter par rapport au moulage par injection, à l’usinage, au moulage ou à d’autres méthodes conventionnelles ».
Il a ajouté que « ces avantages comprennent la personnalisation et l’adaptation, la possibilité de créer des géométries complexes, la consolidation des pièces et, dans certains cas, la réduction des coûts ». Pour Reports and Data, les prévisions sont pratiquement identiques. Selon lui, l’adoption croissante de la fabrication additive dans les industries automobiles et aérospatiales devrait stimuler la demande. Le marché va croître à un TCAC de 14,4% pour atteindre 26,68 milliards $, d’ici 2027.
Etat des lieux en Afrique
Si l’infrastructure réalisée par le danois COBOD au Malawi est la première école au monde conçue grâce à la fabrication additive, il est important de noter que ce n’est pas la première fois qu’un bâtiment est construit grâce à cette technologie. L’impression 3D a déjà permis ailleurs dans le monde de construire une maison, un immeuble résidentiel et d’autres types de bâtiments.
En Afrique, la start-up espagnole Be More 3D a construit la première maison imprimée en 3D du continent au Maroc en 2019. C’était à l’occasion du Solar Decathlon Africa, un événement qui promeut l’utilisation des énergies renouvelables dans le secteur immobilier. La réalisation de Be More 3D, une maison de 32 m² achevée en 12h lui a permis de se voir décerner le prix de l’entreprise la plus innovante.
Aujourd’hui, les observateurs s’accordent pour dire que le secteur a évolué sur le continent, et le cas de l’Afrique du Sud en est la parfaite illustration. La nation arc-en-ciel n’a cessé de progresser depuis deux décennies sur cette technologie clé de la 4e révolution industrielle grâce notamment au RAPDASA, son association pour le développement rapide de produits.
La nation arc-en-ciel n’a cessé de progresser depuis deux décennies sur cette technologie clé de la 4e révolution industrielle grâce notamment au RAPDASA, son association pour le développement rapide de produits.
Le pays se concentre actuellement sur les activités de R&D et les applications médicales possibles de la fabrication additive. Entre autres initiatives, citons celle de iMedTech, une entreprise qui imprime des poitrines prothétiques pour les femmes qui ont survécu au cancer du sein. C’est également dans le pays qu’a eu lieu en 2019 une opération révolutionnaire réalisée à l’Hôpital universitaire Steve Biko, où un homme de 40 ans est devenu le premier patient au monde à recevoir un os de l’oreille moyenne imprimé en 3D. De leur côté, Axial3D et l’entreprise sud-africaine MedTech3D collaborent pour mettre à disposition des hôpitaux, des modèles imprimés en 3D de qualité et à des prix abordables.
« L’impression en 3D devrait être la prochaine révolution dans le domaine des soins de santé. Medtech3D vise à faire en sorte que le système de santé sud-africain participe à cette transformation de la médecine, en fournissant une impression 3D médicale de qualité supérieure à des prix abordables et dans nos hôpitaux locaux », a déclaré en janvier 2020, le DG de MedTech3D, Dipika Maharaj, selon des propos rapportés par 3D Adept.
Au Nigeria, la start-up Elephab veut améliorer la production locale en utilisant des pièces de rechange imprimées en 3D. En Egypte et au Maroc, les autorités ont mis en place des laboratoires de recherche sur la fabrication additive. C’est l’entreprise Thales qui soutient le royaume chérifien dans ce projet. Elle a lancé en 2017 son centre spécialisé dans la fabrication additive métallique.
Au Cameroun, l’Etat a intégré l’impression 3D à son centre de haute technologie situé à l’Ecole nationale supérieure polytechnique de Yaoundé. Il est soutenu dans le projet par l’entreprise israélienne Sela Educational Initiatives.
Au Cameroun, l’Etat a intégré l’impression 3D à son centre de haute technologie situé à l’Ecole nationale supérieure polytechnique de Yaoundé. Il est soutenu dans le projet par l’entreprise israélienne Sela Educational Initiatives. L’objectif, en dehors du volet apprentissage et recherche, est de permettre d’assister les hôpitaux dans la production de prothèses, et les industriels dans leurs besoins de fabrication. Les autres nations qu’on peut ajouter à la liste comprennent le Togo, le Congo, le Botswana, la Tanzanie, le Ghana, le Kenya et l’Algérie.
Dans la lutte contre la covid-19
La santé reste l’un des secteurs où le potentiel disruptif de l’impression 3D se remarque le plus dans le monde. L’Afrique n’y échappe pas, en témoigne le nombre d’initiatives susmentionnées ayant rapport à ce domaine. Pour faire face à la crise sanitaire qui sévit dans le monde depuis plusieurs mois, on a ainsi pu constater que la fabrication additive a été utilisée dans les efforts de lutte contre la pandémie. Par exemple, l’organisation panafricaine basée au Togo et au Ghana, Energy Generation, s’est lancé comme défi de produire des pièces, comme des masques et des visières, pouvant être utilisées pour réduire la propagation du virus.
Par exemple, l’organisation panafricaine basée au Togo et au Ghana, Energy Generation, s’est lancé comme défi de produire des pièces, comme des masques et des visières, pouvant être utilisées pour réduire la propagation du virus.
En Tunisie, les étudiants de l’Ecole nationale d’ingénieurs de Sousse ont produit des milliers de masques et visières avec l’appui de la start-up 3DWave. C’est également le cas au Maroc ou encore au Burkina Faso. Au pays des hommes intègres, c’est l’Institut 2iE qui produit grâce à la 3D ces équipements, mais aussi des pièces de rechange des respirateurs et des valves.
Quelles perspectives ?
En juillet dernier, la start-up américaine Inkbit a obtenu un financement de 30 millions $ pour étendre la portée de vente de sa nouvelle imprimante 3D dotée d’une Intelligence artificielle (IA) qui lui permet de corriger les erreurs pendant le processus d’impression.
« Les opportunités pour la fabrication additive augmentent à mesure que l’adoption de l’impression 3D pour la production à grande échelle augmente. Nous sommes impatients d’utiliser les capitaux levés pour continuer à évoluer et à innover dans ce secteur dynamique », a commenté le cofondateur et PDG, Davide Marini, qui a cité l’Afrique parmi les nouveaux marchés que la société veut conquérir.
Si la fabrication additive est en pleine croissance sur le continent, voir de plus en plus de sociétés du secteur s’intéresser à l’Afrique ne peut qu’augurer un futur encore plus prometteur. Toutefois, pour mieux se positionner sur ce marché, le continent a plusieurs défis à relever, à savoir ; les questions de compétences adaptées à cette technologie, « d’accès au financement ou encore d’adaptabilité du matériel ». Selon Reports and Data, l’augmentation du soutien gouvernemental pour améliorer la technologie de la fabrication additive dans diverses régions serait un facteur clé qui influence la demande du marché. Tenant compte de cet aspect, la firme de recherche prévoit que les Etats-Unis et les pays d’Europe occidentale continuent d’être les principales régions génératrices de revenus pour le marché de l’impression 3D. Reste à savoir si les gouvernements africains sont prêts à parier sur ce secteur qui a beaucoup à apporter à leurs économies.
AUTEUR : Louis-Nino Kansoun