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#CES 2016 : Le marché des objets connectés a explosé en 2015

ALEXIS NORMAND, WITHINGS : « LE MARCHÉ DES OBJETS CONNECTÉS SANTÉ A EXPLOSÉ EN 2015 »

 

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Un bracelet qui monitore l’activité physique quotidienne, un tensiomètre qui mesure le rythme cardiaque et la tension directement sur un smartphone, un pèse-personne connecté pour suivre une courbe de poids sur le long terme… Voici quelques-uns des produits commercialisés par Withings. Cette entreprise française créée en 2008 est spécialisée dans les objets connectés et applications mobiles permettant de suivre des paramètres de forme et de santé. Récompensée à plusieurs reprises au CES Las Vegas, Withings exploite toutes les possibilités du numérique pour permettre aux utilisateurs de ses objets de profiter de tous les bénéfices de la santé 2.0.

 

A la tête du département santé, Alexis Normand. Sa mission : favoriser l’adoption des objets connectés par le grand public, mais aussi par tous les prescripteurs, c’est-à-dire aussi bien des entreprises souhaitant promouvoir la santé de leurs collaborateurs que des groupes pharmaceutiques, médecins ou chercheurs cherchant à accompagner la prise en charge d’une pathologie avec des outils digitaux. Alexis Normand nous parle de ce marché en plein boom !

 

DES ENTREPRISES DE PLUS EN PLUS SÉDUITES PAR LES OBJETS CONNECTÉS SANTÉ

 

Que recherchent les entreprises qui font appel à vous ?

 

« Depuis environ deux ans, de plus en plus d’entreprises équipent leurs salariés d’objets connectés pour les pousser à marcher davantage et organiser des défis autour d’activités physiques. »

 

Beaucoup d’assureurs, de laboratoires pharmaceutiques ou d’entreprises technologiques viennent spontanément nous voir. Nous travaillons aussi avec des patrons de PME ou de grosses entreprises qui sont utilisateurs de nos objets à titre personnel et ont envie d’en promouvoir l’usage auprès de leurs collaborateurs.

 

En 2015, nous avons mis sur le marché une solution de suivi qui respecte la confidentialité des données individuelles. Il s’agit d’une plateforme decorporate wellness qui permet d’inviter des gens à participer à un défi collectif, de créer des équipes et de les mettre en compétition, de faire un suivi agrégé des données, mais aussi de pousser des notifications dans l’application mobile pour faire du coaching ou de proposer des questionnaires. Si les participants donnent leur accord, il est possible de croiser les données pour faire émerger des tendances… C’est d’ailleurs ce que nous avons déployé avec la SNCF à travers l’opération Marche en lignes.

 

« Beaucoup d’entreprises viennent nous voir parce qu’elles ne veulent pas rater le coche du digital. »

 

Souvent, il s’agit d’opérations ponctuelles, mais certaines s’inscrivent dans la durée. Dans ce cas, nos objets connectés, bracelets par exemple, s’intègrent à des plateformes plus globales de gestion de la santé type Vitality. Ce sont des systèmes de points à l’année : plus vous marchez, plus vous gagnez de points, plus vous pouvez acheter des choses saines pour votre santé à prix réduit, de manière à créer des cercles vertueux.

 

« Comme nous sommes une société intégrée, nous maîtrisons tout et nous pouvons utiliser les entreprises comme prescripteurs. »

 

Depuis peu, nous proposons aussi des boutiques de vente privées pour les entreprises, à destination des salariés. Cela permet aux employeurs d’offrir des avantages puisque parfois l’entreprise subventionne une partie de l’objet, avec juste un petit reste à charge pour l’employé. Nous déployons ces stores privés en échange d’une visibilité et d’une communication auprès des salariés. Cela vient d’une demande assez forte des entreprises.

 

Quel accueil les médecins réservent-ils aux objets connectés ?

 

Beaucoup de médecins voient la qualité de leurs soins souffrir d’un manque de connaissance de de l’état et de l’activité du patient entre deux visites. Avec un bracelet connecté, il est possible d’avoir une meilleure idée du résultat d’une opération. Savoir, par exemple, si un patient qui sort de l’hôpital après une ablation de tumeurs cancéreuses dans la colonne vertébrale peut remarcher deux jours plus tard ou s’il est cloué au lit pendant huit semaines permet d’adapter le soin… Il y a beaucoup d’exemples en neurochirurgie, en chirurgie de l’obésité, en orthopédie.

 

En théorie, les hôpitaux et cliniques ont la responsabilité du suivi médical. En pratique, en France, il y a peu de sanctions financières s’ils font mal leur travail. Aux Etats-Unis, ce n’est pas la même chose. Si un patient se plaint parce qu’une opération n’a pas réussi, l’établissement de santé est déremboursé par MediCare, le système d’assurance-santé américain. Dans ce type de logique, les professionnels ont intérêt à savoir ce qui se passe… et donc à suivre les gens à distance. L’objet connecté est une solution assez économique pour ça. La nouveauté, c’est que les médecins utilisent de plus en plus des objets disponibles auprès du grand public plutôt que les solutions professionnelles beaucoup plus coûteuses.

 

« Les professionnels utilisent les mêmes objets que le grand public : comme ils ont été testés sur plus de monde, ils ont tendance à être de meilleure qualité. Les solutions sont plus robustes, notamment en termes de connectivité. »

 

En France, il y a plusieurs modèles économiques. L’objet peut être à la charge du patient ou prêté par un établissement hospitalier. C’est souvent intéressant pour les hôpitaux : la réduction de la durée de séjour génère un gain et, finalement, dépenser 100 euros pour une balance connectée permet parfois d’économiser plusieurs nuits d’hospitalisation.

 

 

« LE MEILLEUR ARGUMENT POUR CONVAINCRE ? LES EXEMPLES QUI FONCTIONNENT ! »

 

Les objets connectés sont également utilisés pour la détection précoce. A Toulouse, des médecins ont déployé des tensiomètres et des bracelets connectés chez des patients diabétiques. Le diabète est une maladie en partie réversible à un stade précoce. La détection peut donc avoir un impact : le bracelet permet de générer des alertes et aide le patient à modifier son comportement.

 

 

Et côté pharmaciens ?

 

« Sur le sujet des objets connectés, les pharmaciens sont assez curieux, mais manquent un peu de maturité technologique. »

 

Ce n’est pas le métier des pharmaciens de vendre de la technologie ou de l’électronique. Eux, ils savent vendre des médicaments. Tout le marché de l’e-santé est en train de leur échapper : ils ne l’ont pas vu venir. En France, ils essaient de s’y mettre, mais les pharmacies étant de petites boutiques fait que l’adoption est très lente. Aux Etats-Unis, il y a deux chaînes de pharmacies, Walgreens et CVS : on négocie avec eux comme on négocie avec la Fnac. En France, il y a 22 000 interlocuteurs. Nous avons déjà équipé plusieurs centaines d’officines… Mais cela prend forcément plus de temps.

 

 

« LA BRANCHE PROFESSIONNELLE A TRIPLÉ DE VOLUME EN 2015 »

 

Pour un même usage – suivre son poids, par exemple – le coût d’un objet connecté est très faible par rapport à un objet non connecté.  Il y a 20 ans, les ordinateurs n’étaient pas connectés à Internet, aujourd’hui c’est inenvisageable d’avoir une tablette qui n’a pas le Wifi.

 

« On ne peut pas encore savoir à quelle vitesse ça va aller, mais, peut-être qu’un jour, il nous paraîtra bizarre d’avoir une balance qui n’est pas connectée. »

 

 

Où se situe le marché des objets connectés français santé par rapport à l’étranger ?

 

En termes d’ingénierie et de créativité, nous sommes plutôt bons. Mais, le marché français est trop petit. Les Américains ont un avantage : ils ont un très gros marché, donc ça va beaucoup plus vite chez eux. En Europe, il faut travailler pays par pays… Finalement, c’est plus intéressant pour une entreprise française de se développer vite aux Etats-Unis.

 

Nous sommes aussi très mauvais sur les incitations institutionnelles du secteur de la santé pour adopter l’innovation. Les Américains n’ont pas le meilleur système de santé du monde, mais ils ont des incitations très puissantes pour adopter des technologies e-santé. Leur système est décentralisé, ce qui laisse plus de place à l’expérimentation et à la prise de risque. La santé est plus chère là-bas, l’incitation à trouver des solutions qui réduisent les coûts est donc plus forte : comme les gens sont moins bien assurés, ils cherchent davantage à rester en bonne santé. En France, nous sommes très bien soignés et remboursés, par conséquent, nous attendons parfois d’être malades pour prendre soin de nous et tout ce qui est prévention et détection précoce, nous l’oublions un peu. Les Français ont une bonne espérance de vie générale, mais une mauvaise espérance de vie en bonne santé. En fait, on vit plus longtemps malade. C’est un climat qui est un peu moins incitatif pour les objets connectés en santé.