Le médecin de demain sera 3.0 ou ne sera pas – [What’s up doc]
Montres, bracelets, balances, fourchettes, piluliers, vêtements et même brosses à dents, à chaque instant correspond son objet de santé connecté. Aucune prénotion ou prémonition ici, les objets de santé connectés sont une réalité qui ne cesse de se développer, révolutionnant notre quotidien, et bientôt notre conception du soin. Selon une étude menée par le cabinet GfK, nous sommes face au nouvel « eldorado » de la high tech : il se vendra 2 milliards d’objets connectés en France entre 2015 et 2020**, tous secteurs confondus, et nul doute que la santé y prendra la part belle.
Néanmoins, la e-santé est aujourd’hui dominée par une vision mercantile. Quelle place pour le médecin ? Voilà une question à laquelle on ne peut (et ne doit) pas échapper. Pour que cette réalité d’aujourd’hui devienne un outil de demain, la médecine doit s’en saisir. Si les médecins ne reprennent pas la main sur les objets connectés de santé, ils seront doublés par les industriels, également en lice. La santé connectée risquera alors de devenir un simple domaine technique dont les seuls experts seront des ingénieurs ou des statisticiens…
Les chercheurs hospitaliers doivent pouvoir se lancer dans des recherches sur cette problématique porteuse. L’exemple du laboratoire BRAIN e-novation, rassemblant chercheurs de l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière de la Pitié-Salpêtrière et l’entreprise experte en TIC Santé du groupe Genious, dans le but de concevoir des applications nouvelles en e-santé, en est ici une parfaite illustration qu’il faut encourager.
Un patient déjà 3.0
Les patients sont de plus en plus demandeurs et les objets de santé connectés répondent à des besoins déjà concrets. Selon le Dr Éric Couhet, cofondateur de la communauté en ligne Connected Doctors, « C’est le patient qui va digitaliser le médecin*** ». Les maladies chroniques en sont une illustration criante. Des montres connectées permettent à des patients diabétiques de suivre leurs glycémies, des tensiomètres connectés permettent aux patients de partager leurs données tensionnelles avec leur médecin traitant, des pendentifs permettent de se connecter à un centre d’appel. Les exemples fleurissent et fleuriront.
Un hôpital 3.0 ?
Ne manque plus qu’à transformer les données recueillies en une valeur ajoutée, non pas financière, mais bien de santé. C’est ici que la convergence entre un futur médecin 3.0 et un hôpital lui-même 3.0 est indispensable, voire indissociable.
Les bases nécessaires à cette innovation sont déjà présentes dans nos institutions, mais il faut les adapter. Les hôpitaux sont les endroits où sont aujourd’hui recueillis le plus d’informations sur les patients. Ils disposent de données qui pourraient être analysées et recoupées pour obtenir des informations utiles. Il s’agit donc bien de repenser et de valoriser cette somme colossale d’informations par une approche Big Data dans nos structures, au service d’une médecine 3.0.
Le rôle de l’hôpital sera donc à la fois de concevoir des organisations capables de mettre à profit ces informations, mais aussi de réceptionner de façon sécurisée et adaptée les données d’objets de santé connectés, en dehors de son enceinte. Le médecin de demain sera 3.0 ou ne sera pas. L’hôpital de demain, gageons-le, le connectera.
Yann BUBIEN* @yannbubien
* Yann Bubien est directeur du CHU d’Angers.
** Voir « Le connecté, nouvel eldorado des biens techniques » GfK, février 2015
*** lequotidiendumedecin.fr, 23/04/15
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