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« L’#Amour est dans le #Pré » entre un #Médecin #Généraliste et un #ORL

 

 

Ils se sont rencontrées dans l’office de la CPAM. Oui, la grande salle des miracles administratifs où l’on vient pour obtenir une autorisation et l’on repart avec une migraine. La généraliste, le docteur Martine — blouse propre, regard un peu fatigué, sourire de secours — tenait son dossier comme on tient une bouteille d’eau tiède après une garde. L’ORL, le docteur Fourniere — nez pointu, allure sèche, regard qui jauge l’intérieur des conduits comme on inspecte un meuble Ikéa — tenait un stylo qui avait l’air d’avoir signé plus de certificats de complaisance que de véritables guérisons. Le choc fut administratif : un dossier mal adressé, une lettre de renvoi qui se transforme en invitation, et voilà nos deux chirurgiennes autoproclamées du quotidien face à face, comme deux poissons hors de la mare de la convenance.

Le premier échange fut un duel de sarcasmes. « Vous avez encore envoyé une otite chronique ? » lança Martine. Fourniere, sourcils arqués, répondit : « Et vous avez encore prescrit des antibiotiques pour un rhume ? Honte. » Le rire de la secrétaire fit office d’arbitre. C’était déjà du flirt en version bas de gamme : cinglant, mal poli, mais efficace. Comme un pansement mal posé, ça pique d’abord, ça cicatrise ensuite.

Le village — ce théâtre à l’ancienne — observa, fascinée, la mise en place lente du feuilleton. Les patients, naturellement, se firent complices. Ils apportaient des ragots comme on apporte des gateaux : « Tu as vu le docteur Martine? Elle sort avec l’ORL? » La vérité, c’était plutôt un élan bureaucratique : un partage de patients, quelques échanges de SMS professionnels, des ordonnances annotées de petits dessins moqueurs — un nez esquissé par-ci, une oreille griffonnée par-là. Les deux femmes, avec la pudeur approximative des médecins de campagne, se parlaient comme si elles réparaient un tracteur: pratiques, directs, avec une tendance à l’humour plombant.

La comédie prit de la vitesse quand chacune voulut prouver sa supériorité technique. Martine s’invita dans le cabinet de Fourniere en brandissant un otoscope emprunté comme un trophée. « Regardez-moi ça, une magnifique inflammation, » dit-elle, faisant tourner l’instrument comme un présentateur météo. Fourniere, en maître des lieux, lui fit une démonstration d’otoscopie qui ressemblait à un rite d’initiation: « Tu tiens mal, tu insores une oreille, tu risques d’embrasser la pompe à salive. » Traduction libre : « Repose l’outil avant que tu n’y mettes ton ego. »

Leurs réunions de réseau prirent l’air d’une gymnastique sentimentale : des pauses cafés prolongées, des échanges de dossiers qui commençaient par « Pour toi » et finissaient par « PS : ton tiramisu était douteux. » Elles essayèrent de s’impressionner par des gestes exquis : Fourniere apporta un stéthoscope d’occasion décapé et poli comme un bijou, Martine répondit en cuisinant un pot-au-feu qui mit trois heures à se rendre intéressant. On appelle ça l’escalade affective version bistrot.

La jalousie fit son entrée de scène avec le tapotement sec d’un clavier municipal. Un jour, une patiente charmante — charmante dans le sens « sourire de carte de mutuelle » — reçut des offres contradictoires: « Consultez mon ORL », « Ou mieux, mon généraliste », signifiant en clair qu’il y avait compétition pour l’ego. Les mails échangés firent l’effet d’un scanner émotionnel: politesse clinique, puis piques subtiles, puis menaces voilées: « je note cela dans le dossier ». La vindicte se termina quand Martine envoya, en pièce jointe, une photo de son chat Statine assis sur les dossiers de Fourniere, légendée : « expert en arbitrage. »

L’humour, dans leur relation, était un scalpel. Il servait à toucher sans blesser trop fort. Les scènes de séduction étaient ridicules et parfaites: un rendez-vous « technique » qui se termine sur un partage de madeleines, une conversation sur la phonation qui dérive en confidences sur les divorces des tantes. Elles se parlaient de pronostics comme on parle de destinations de vacances: « Tu penses qu’elle tient encore cinq ans? » — « Avec un bon suivi? Oui, si elle arrête le pinard. » C’était charmant et misérable à la fois.

La grande scène comique arriva lors de la fête locale, quand elles furent contraintes de tenir ensemble un stand de prévention. Le thème : audition et diabète. La banderole était longue, le café pire, et les patients nombreux. Chacune essayait d’avoir l’air sérieux: Martine distribuait des brochures avec la même urgence qu’un barman distribue des pichets; Fourniere expliquait la conduction auditive comme un prophète anémique. Au moment où un touriste demanda s’il était possible d’avoir une consultation en duo, les deux éclatèrent de rire, l’une à la vision trop haute des choses, l’autre à la bêtise de la mise en scène. Un canard en plastique tomba d’un stand voisin. Une déclaration, probablement.

Il y eut aussi des moments ridicules et tendres: Fourniere, incapable de cuisiner autre chose que des tisanes, tenta un dîner romantique qui fut sauvé par… un plat surgelé label « artisan ». Martine, qui croyait impressionner avec une écharpe tricotée par sa mère, se rendit compte qu’elle avait offert l’écharpe d’une autre patiente. Elles jurèrent de ne jamais parler du « cas Émilien » et parlèrent à la place de la mortalité due aux aiguilles mal triées — conversation purement sensuelle pour elles.

Comme tout bon feuilleton rural, il fallut un grand incident médical pour les rapprocher vraiment: un week-end d’alerte météo, des routes fermées, des patients coincés, une urgence néonatale improvisée. Elles travaillèrent côte à côte, avec la compétence brute qui pardonne tout. Ce soir-là, devant la perfusion et le lave-main, l’ego se dissout dans la gravité. Elles se regardèrent, non plus comme des rivales mais comme des collègues épuisées qui savent que l’autre tiendra la barre s’il y a tempête. Elles échangèrent un baiser — rapide, maladroit, presque professionnel — et reprirent leur travail, comme si rien ne s’était passé. Le village n’en fit pas un drame; il grimaça, applaudit, puis retourna à ses histoires de volaille.

La fin? On n’est pas dans un conte, on est dans la vie de cabinet. Leur romance survécut par intermittence: des accords de garde partagée (des gardes, pas des enfants), des réunions de coordination qui finissaient en dîner clandestin, un partenariat qui devint presque commercial: « Packs ORL+GP, pour une couverture auditive et morale. » Elles signèrent, un jour, un échange de clés (de cabinets, pas d’alcôves) et firent une photo institutionnelle où l’on distinguait, sous leurs sourires forcés, la tendresse maladroite.

Moralité grinçante: l’amour en milieu rural a l’odeur du café rassis et la saveur du pinard bien entamé; il est fait de petites compromissions et de plaisanteries douteuses, de mails étrangement tendres et de dossiers annotés d’un cœur griffonné. Il est un mélange de compétence, de rancœur, de cuisine acceptable et de stéthoscopes partagés. Bref, un truc pratique et joli comme un pansement sur une cuisse trop solide.

 

A MEDITER 

Partagez votre expérience , l’humain avant tout , car la médecine est une aventure humaine unique.

Dr  COUHET Eric
CEO #Apnea #Connected #Center.