#What’s Up Doc : les patients encore une longueur d’avance ?
« C’est le patient qui va digitaliser le médecin » a coutume de dire Eric Couhet, médecin généraliste mais surtout véritable évangéliste de la santé connectée. Eric prend-il ses désirs pour des réalités ? Le moins que l’on puisse dire en tout cas, c’est qu’en matière numérique, bien des patients ont un temps d’avance.
LES OBJETS CONNECTÉS ENTRENT DANS LE CABINET DU MÉDECIN… PAR LA POCHE DU PATIENT
Prenons le mouvement du « quantified self », né aux États-Unis à la fin des années 2000. Pour améliorer leur santé, ses adeptes se bardent de capteurs et surveillent en permanence leur poids, leur tension, le nombre de pas qu’ils effectuent, les calories qu’ils absorbent…
Un phénomène extrême outre-Atlantique… Sauf que d’après les chiffres cités par le livre blanc du Conseil de l’Ordre, 11 % des Français auraient déjà adopté un objet connecté lié à la santé ou au bien-être. Et les témoignages de médecins qui voient arriver des patients leur demandant d’interpréter des données collectées sur leur smartphone sont de plus en plus fréquents. Si les objets connectés entrent dans le cabinet du médecin, c’est donc parce qu’ils sont apportés… par le patient, n’en déplaise à certains !
Mais le phénomène du « quantified self » est peut-être accessoire par rapport à celui du Web et des réseaux sociaux. Certains patients ont en effet été capables de construire des communautés à faire pâlir d’envie les médecins les plus « 3.0 ».
« JE VOULAIS FAIRE POUR LES AUTRES CE QUE LES AUTRES AVAIENT FAIT POUR MOI »
À ce titre, l’exemple de Nuria Zúñiga est édifiant. « J’ai 35 ans et le lupus », écrit cette Madrilène sur son blog tulupusesmilupus.com. Il y a 3 ans, alors qu’elle traversait un épisode particulièrement violent de sa maladie, Nuria se tourne alors vers les réseaux sociaux : « J’étais vraiment déprimée, je voulais crier ma misère à la face du monde », se souvient-elle. Auprès d’autres patients, elle trouve du réconfort. À la faveur d’une rémission, Nuria décide donc de se lancer : « Je voulais faire pour les autres ce que les autres avaient fait pour moi » explique-t-elle. Résultat : un blog très suivi où elle communique sur sa maladie qu’elle connaît par cœur, où elle retranscrit ce que les médecins disent avec ses mots à elle de la vie quotidienne.
« TOUT PETIT SITE » DEVIENDRA GRAND
En France, l’histoire d’Yvanie Caillé est similaire. Souffrant d’une maladie rénale, elle part d’abord à la pêche aux infos sur Internet. « À l’époque, au début des années 2000, il n’y avait pas grand-chose », se rappelle-t-elle. « Le site qui m’avait été le plus utile est celui d’un jeune Américain journaliste qui avait eu la même maladie que moi : cela m’a été très précieux et m’a beaucoup rassurée ».
Yvanie entreprend donc la même démarche que Nuria : « Quelques mois plus tard, j’ai créé un tout petit site qui s’appelait Renaloo, qui était l’équivalent d’un blog ». Aujourd’hui, le « tout petit site » est devenu l’une des principales associations de patients souffrant de maladies rénales. Alors, qu’attendent les médecins pour se mettre à l’heure de leurs patients ? « J’ai l’impression que les patients ont toujours été plus avancés que les médecins », remarque Yvanie. Nuria est d’accord, quoique plus optimiste : « Il y a de plus en plus de médecins qui prescrivent des liens ». Des liens « hypertexte », évidemment !