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#Chirurgie 3.0 : vers une révolution de la #Neurochirurgie

Neurochirurgie éveillée

Instinctivement, on se dit que se faire opérer du cerveau tout en étant conscient doit être atrocement douloureux. Pas vraiment, car le cerveau, s’il analyse les infos venues du corps entier, n’a pas lui-même de récepteurs de la douleur.

En France, le professeur Hugues Duffau est le précurseur de la chirurgie sur patient éveillé, qu’il pratique depuis 2000. Le responsable du département de neurochirurgie du CHU de Montpellier revendique 600 opérations. « Je suis entouré d’une équipe de neuropsychologues et d’orthophonistes très compétents, mais le plus important est la motivation du patient », dit-il.

Lors de l’intervention, le chirurgien stimule électriquement les zones qu’il veut enlever. Le patient, répond en direct à des tests de vision ou de langage. Si la stimulation d’un point induit une anomalie, on évitera d’y toucher.

Pas tous le même cerveau

Bien sûr, en amont, des examens d’IRM (Imagerie par résonnance magnétique) fonctionnelle ont permis de cartographier le cerveau du patient. « Nous n’avons pas tous le même cerveau. Surtout s’il a été amené à s’adapter en raison d’un traumatisme. »

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Notre vision du cerveau a profondément changé depuis quinze ans. La plasticité cérébrale est bien plus puissante qu’on ne le pensait. La conception localitionniste, tendant à attribuer à chaque zone des fonctions précises, est remplacée par la notion plus complexe de réseaux. Ainsi, on commence à mieux connaître le réseau de l’attention.

Cerveau en réseau

Dans son récent ouvrage, L’erreur de Broca (Michel Lafon), le Pr Duffau utilise l’image d’un réseau de transport avec taxi, bus, TGV, avion. Si un voyageur veut atteindre sa destination, il a plusieurs options. Mais si certains points cruciaux sont coupés…

Établir la carte de ces réseaux, c’est bien sûr l’enjeu des neurosciences en plein développement. Pas spécialement technophile, le Pr Duffau estime que « ça ne se résout pas avec des biomathématiques, mais en temps réel au bloc opératoire. » Une approche qui lui vaut d’être parfois controversé.

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Casque de réalité virtuelle

À Angers, le professeur Philippe Menei pratique lui aussi la chirurgie sur patient éveillé depuis près de dix ans.« Tester les réseaux, en direct avec le patient, a permis d’intervenir sur des tumeurs longtemps considérées comme inopérables », assure-t-il.

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Il a eu récemment les honneurs de la presse pour le programme de recherche CERVO, mené avec l’École d’ingénieurs en sciences et technologies du numérique (ESIEA) de Laval. Le 27 janvier, lors d’une opération qui a duré six heures, le patient était équipé d’un casque de réalité virtuelle permettant de tester sa vision périphérique. La perte de celle-ci est souvent un handicap « toléré » par les chirurgiens, mais elle implique théoriquement la perte du permis de conduire.

« En terme de réalité virtuelle, notre expérience n’était pas très impressionnante », sourit le chirurgien. Mais cela a facilité la concentration du patient et permis « une exploration plus rapide. On ne peut pas stimuler en tâtonnant pendant des heures. »

Le projet CERVO veut aller plus loin, « en explorant grâce à la réalité virtuelle des fonctions comme l’appréhension de l’espace, voire la cognition sociale (reconnaissance de visages, empathie). Ou introduire des séquences relaxantes ou hypnosédatives (anesthésie par hypnose). »

Les limites de l’éveil

Tous les médecins ne sont pas adeptes de la neurochirurgie sur patient éveillé. Parce qu’elle est impressionnante pour le patient, parce que la stimulation ne permet pas de tout explorer. « On ne peut pas forcément se dire qu’on peut enlever si on ne détecte pas de fonction associée évidente, reconnaît Philippe Menei. L’idée que nous n’utilisons que 10 % de notre cerveau est fausse. »

Électrodes et magnétisme

À Rennes, la chirurgie sur patient éveillé n’est pratiquée que pour les opérations de stimulation cérébrale profonde, la pose d’électrodes dans le cerveau permettant, dans son usage le plus fréquent, la diminution des tremblements liés à la maladie de Parkinson. Elle a également été expérimentée avec succès pour le traitement de certains Toc (troubles obsessionnels compulsifs).

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Moins invasive, la stimulation magnétique transcrânienne consiste à soumettre le cerveau à un fort champ magnétique. Une technique en plein développement depuis cinq ans, utilisée pour le diagnostic (AVC, sclérose en plaques) mais aussi dans le traitement de certaines maladies neurologiques (douleurs neuropathiques, acouphènes), voire la dépression.

Techno au bloc

Le Rennais Pierre Jannin n’est pas neurochirurgien, mais président de l’International Society for Computer Aided Surgery. En clair, l’association des chercheurs qui mettent au point les outils informatiques ou d’imagerie pouvant aider les chirurgiens au bloc.

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En neurochirurgie, outre l’affinage des différentes technologies d’IRM, qui dessinent une cartographie de plus en plus détaillée du cerveau en action, il note le développement des techniques de fluorescence. Elles permettent de mieux voir le réseau vasculaire lors d’une opération. Mais aussi le déploiement de scanners mobiles, fournissant des images en 3D pendant l’opération.

Médecine personnalisée

Ce n’est pas le plus impressionnant, mais le big data, le traitement d’énormes masses de données informatiques est en plein boom, en neurochirurgie comme dans les autres secteurs de la médecine. « On recueille (à travers le monde) les données cliniques, dossiers, rapports d’opération, commente Pierre Jannin. Une fois correctement analysés, on essaie d’en extraire des règles. » Et d’adopter la stratégie la plus adaptée au profil du patient.

Simulateur pour neurochirurgiens

L’équipe Inserm de Pierre Jannin travaille, avec l’institut de recherches en informatique Irisa, au développement d’un simulateur de salle d’opération dédié à la neurochirurgie. « En neuro, il y a encore la philosophie du See one/Do one/Teach One (voir, faire, enseigner). Il vaut mieux être opéré par un chirurgien en haut de sa courbe d’apprentissage. » Le simulateur permettrait moins d’améliorer la dextérité pure du chirurgien, « qui ne compte que pour 25 % », que des facteurs comme la gestion du stress et la communication avec l’équipe.

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Du 14 au 20 mars, c’est la semaine du cerveau. Programme sur semaineducerveau.fr. C’est aussi le Neurodon, collecte de fonds en faveur de la recherche. frcneurodon.org